À part les vieilles bouteilles vides de Labatt 50 ou de Molson Export Ale qui servent de décoration, ne cherchez pas de bière commerciale chez David Deschênes. Le commerçant de la rue Ontario offre seulement des produits de microbrasseries québécoises. Si l'ouverture d'un tel commerce peut paraître anodine, elle en dit long sur la transformation d'Hochelaga-Maisonneuve pour certains.

« Il y a cinq ans, je n'aurais jamais pensé pouvoir acheter de la bière "importée" du Saguenay. Mais depuis un an, deux commerces de bières québécoises ont ouvert. C'est signe qu'il y a une clientèle qui ne boit plus de la 50 ou de la Budweiser. Ça veut dire qu'il y a une population prête à payer 2,50 $ pour une bouteille au lieu d'acheter de la bière à 99 sous », dit Michel Roy, organisateur communautaire qui a passé presque toute sa vie dans Hochelaga.

L'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) a connu un véritable boom immobilier depuis 10 ans. Pas moins de 6280 logements s'y sont construits entre 2002 et 2012, selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Seuls le centre-ville et Saint-Laurent ont vu davantage de maisons et de condos pousser durant cette période.

Cette poussée de croissance n'est pas une surprise. Dans un portrait d'Hochelaga-Maisonneuve de 1998, La Presse titrait d'ailleurs : « Un deuxième Plateau ? » Quinze ans plus tard, les gens du secteur disent vouloir au contraire éviter l'embourgeoisement qu'a connu le quartier voisin.

Le sujet est très sensible : des façades de commerces incarnant ce renouveau et une exposition d'art ont récemment été la cible de vandales dénonçant la venue des « bourges ». Même le surnom « HoMa », qui devait symboliser cette revitalisation, est aujourd'hui honni.

Contestation

Cette contestation est l'oeuvre d'une minorité militante très active dans le quartier, dit Donald Guay, président des Promenades Hochelaga-Maisonneuve. « La jeunesse du Québec a été galvanisée en 2012, alors il y a des groupuscules qui sont restés et mettent l'accent sur des revendications sociales. »

L'homme qui vient d'une famille de commerçants d'Hochelaga assure que le développement ne cherche pas à expulser les plus pauvres. « Ce n'est pas de l'embourgeoisement. On ne met pas des gens dehors pour bâtir des condos. Dans 90 % des cas, ce sont des usines qui sont réhabilitées », dit M. Guay. Au contraire, assure-t-il, le développement cherche à assurer une mixité sociale, notamment par la création il y a quelques années d'une place publique, la place Valois. « Ça se voit peu au Québec, la création d'une place où il y a autant de richesse et de pauvreté qui se côtoient tous les jours. C'est ça, Hochelaga. »

« Place Valois, c'est l'icône de l'embourgeoisement », rétorque Jonathan Aspireault-Massé, un militant du Comité BAILS. Ce groupe qui se bat pour le logement social dénonce l'embourgeoisement d'un secteur qu'il considère comme l'un des derniers « quartiers refuges » de Montréal pour les personnes défavorisées.

Attablé à un nouveau café qui vient de pousser sur Ontario, Jonathan Aspireault-Massé jette un coup d'oeil au décor soigné de l'endroit. « Je suis sûr qu'il y a de bonnes intentions derrière un endroit comme celui-ci, mais ça contribue à l'embourgeoisement. Sur Ontario, on a perdu beaucoup de commerces abordables qui ont été remplacés par des restos plus haut de gamme. Mais il ne faut pas penser que les gens du quartier aspirent à avoir seulement des patateries ou des tavernes ; ils veulent des endroits abordables », dit-il.

Le jeune militant rejette l'argument de la mixité sociale que les partisans du développement mettent de l'avant. « Souvent, on a l'impression que c'est à coups de condos qu'on revitalise un quartier, mais on fait juste augmenter le niveau de vie en important des gens qui ont de meilleurs revenus. C'est une substitution, pas une hausse chez les plus pauvres », poursuit Jonathan Aspireault-Massé.

Souvent petits, les condos construits dans Hochelaga-Maisonneuve attirent une clientèle de jeunes professionnels n'ayant pas encore fondé de famille. Les recensements permettent d'ailleurs de constater une forte augmentation des personnes vivant seules dans l'arrondissement, soit 18 % depuis 10 ans.

Ces nouveaux condos étant souvent trop petits, les familles semblent toutefois quitter le secteur. Le nombre d'enfants y a reculé de 8 % depuis 2001.

L'organisateur communautaire Michel Roy n'y voit pas seulement l'effet de la construction de petits logements : le quartier a perdu beaucoup de son attrait avec la fermeture de trois écoles infestées de moisissures. « Pour une jeune famille qui a des enfants d'un jeune âge, le quartier n'est pas trop invitant », constate-t-il.

Une relance olympique

La transformation d'Hochelaga-Maisonneuve se fait sentir jusqu'au Parc olympique. Ce symbole mal-aimé de Montréal tente aujourd'hui de se relancer en se faisant d'abord accepter par le quartier qui l'a longtemps vu comme une source de fracture urbaine. « Le Parc olympique a longtemps été une île sans ponts », reconnaît David Heurtel, PDG de la Régie des installations olympiques.

En poste depuis deux ans, l'homme essaie maintenant de tisser des liens avec son arrondissement. Premier geste symbolique, le Parc olympique a recyclé l'ancienne boutique de souvenirs des Expos, vide depuis 2004, en café à l'aide d'un groupe communautaire du secteur, Station In Vivo. Plusieurs événements destinés principalement à la clientèle d'Hochelaga ont également été mis de l'avant.

« Avant de penser qu'on va convaincre les Montréalais ou les gens du 450 de redécouvrir le Parc olympique, il faut commencer par ce qu'il y a près de nous. Si on veut relancer le Parc olympique, il faut que ce soit dans l'intérêt du quartier. »

Mercier-Hochelaga-Maisonneuve

Taux de participation en 2009 : 41,07 %

(ensemble de Montréal : 39,4 %)

Maire élu : Réal Ménard (52,53 % des voix)

À surveiller en 2013

Le maire sortant, Réal Ménard tente de se faire réélire à son poste. Anciennement dans le parti Vision Montréal, il a désormais joint les rangs de Coalition Montréal-Équipe Marcel Côté, tout comme son ancienne chef Louise Harel. Mais celle que René Lévesque surnommait l'Impératrice de l'Est ne se représente pas dans le district électoral de Maisonneuve-Longuepointe. La colistière de Marcel Côté a préféré briguer un siège dans l'arrondissement Ville-Marie. Le maire sortant de la Ville de Montréal, Laurent Blanchard, se présente quant à lui comme conseiller de Ville, dans le district électoral d'Hochelaga.