Les directions d'écoles privées profitent du changement de garde à la tête du ministère de l'Éducation pour réclamer davantage de financement leur permettant d'accueillir des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

De l'argent qui permettrait de faire d'une pierre deux coups, en allégeant leur fardeau fiscal et en permettant de délester l'école publique des cas plus lourds, estime la Fédération des établissements privés.

Lors d'un entretien avec La Presse, le président de la Fédération, Jean-Marc St-Jacques, a affirmé que les déficits ne cessent de se creuser dans les écoles privées. Pour y voir clair, un économiste a reçu un mandat d'analyse de la fédération afin de produire un rapport, dont les conclusions sont dévoilées aujourd'hui.

« On l'entend partout dans nos écoles, les parents ne peuvent plus payer davantage, explique M. St-Jacques. On ne peut plus fermer les yeux, il fallait faire le ménage là-dedans. Comprendre. »

L'économiste mandaté, Pierre Emmanuel Paradis, confirme que les 190 établissements privés subventionnés reçoivent de moins en moins d'argent de Québec par élève.

Selon les dernières données ministérielles, l'école privée affiche en moyenne un déficit budgétaire de 3,8 %, soit 400 $ par élève, comparativement à 500 $ pour l'école publique. Pour 2015-2016, 58 $ sont retranchés par élève du primaire privé, et 86 $ par élève du secondaire. Et malgré l'annulation par le gouvernement d'une coupe de 11,4 millions pour le transport scolaire l'automne dernier, la Fédération estime qu'au fil des ans, son financement est passé de 60 à 40 %.

« Il y a plusieurs mythes au sujet des écoles publiques, notamment que nous ne prenons que les meilleurs, que nous n'accueillons que des élèves de riches, déplore M. St-Jacques. En réalité, il y a entre 8 et 10 % d'élèves en difficulté dans nos écoles. Donnez-nous 60 % de ce que les écoles publiques obtiennent pour cette clientèle, et on pourra accueillir entre 10 et 15 % d'élèves en difficulté. »

L'impact du privé sur le public

Le regroupement des écoles privées entend aussi faire valoir auprès du nouveau ministre de l'Éducation Pierre Moreau que le réseau privé a un impact positif dans le secteur de l'éducation. L'économiste a fait ressortir les grandes lignes d'une étude de 2012 démontrant que les élèves du public dépassent à peine le rendement moyen des pays de l'OCDE, pendant que ceux du privé les devancent de 9 % à 14 % au Québec, et de 5 % à 11 % dans l'ensemble du Canada. Ceux du privé sont aussi plus nombreux à terminer leur secondaire en cinq ans.

« C'est évident que les parents sont engagés dans l'éducation de leurs familles quand ils payent. Mais notre autonomie d'enseignement y est aussi pour beaucoup. On n'a pas besoin d'aller cogner à la porte de la commission scolaire pour mettre en place des mesures correctrices. Je pense, entre autres, à nos tests diagnostiques en mathématiques pour déceler les lacunes à la base. Ce n'est pas pour rien que les directions des établissements du public réclament davantage d'autonomie dans le cadre de la loi 86. »

Public/privé: les différences

Temps moyen consacré aux devoirs à la maison par semaine

• Public : 5 h 30 min

• Privé : 7 h

Présence des filles

• Public : 50,8 %

• Privé : 45,9 %

Présence d'immigrants

• Public : 8,2 %

• Privé : 9,2 %

Familles monoparentales

• Public : 15,4 %

• Privé : 14,0 %

Revenu parental (en dollars de 2008)

• Public : 35 568 $

• Privé : 44 628 $

Source : Statistique Canada, enquête 2015