Votre bébé est un Sagittaire? Vos chances d'obtenir une place à 7$ en garderie sont beaucoup plus faibles que s'il était né sous le signe du Bélier, conclut une étude de statisticiens de l'Université McGill. Loin d'un simple effet des astres, les auteurs croient avoir décelé une iniquité dans les listes d'attente des centres de la petite enfance (CPE).

Comme des milliers de parents, Amee Manges a fait des pieds et des mains pour obtenir une place en garderie à 7$ pour ses trois enfants. En sept ans, malgré son inscription à une demi-douzaine de listes d'attente, elle dit n'avoir reçu qu'une offre... alors que son fils faisait son entrée à la maternelle.

Après s'être longtemps demandé ce qu'elle avait fait de mal pour échouer à trouver une place, cette statisticienne a conçu, avec deux collègues de l'Université McGill, un modèle statistique pour tenter de résoudre cette «énigme à 7$». Leur étude, intitulée «Eh bébé, c'est quoi ton signe? Comment les enfants Sagittaire n'ont pas accès aux CPE», a été présentée hier au congrès annuel de l'Association américaine des statistiques, qui rassemble présentement 6000 statisticiens à Montréal.

L'impact de la rentrée scolaire

Les résultats de leur modèle indiquent que les enfants nés en mars et en avril ont davantage de chances d'avoir une place dans un CPE, alors que ceux qui sont nés en novembre et en décembre sont fortement défavorisés.

Les auteurs soulignent que la majorité des enfants entrent à la garderie en septembre, quand les plus vieux commencent l'école. Comme les groupes de poupons accueillent les enfants de 4 à 18 mois, les enfants nés au printemps sont grandement avantagés, puisqu'ils ont deux occasions pour entrer dans le réseau des CPE: à 4 ou 5 mois et à 16 ou 17 mois.

Évidemment, la majorité des parents refusent d'envoyer leur bambin à la garderie avant son sixième mois de vie. Ces enfants restent toutefois grandement avantagés, puisqu'à 16 ou 17 mois, ils ont la priorité la plus élevée dans les listes d'attente.

Les auteurs estiment que le système de CPE, envié selon eux partout au Canada, est victime de son succès: le nombre de places limité entraîne le recours aux listes d'attente. «Le Québec est probablement le seul endroit où on inscrit son enfant sur la liste d'attente avant d'avertir ses parents de notre grossesse», dit avec ironie Erica Moodie, coauteure de l'étude... qui a elle-même échoué à obtenir une place en CPE pour ses deux enfants.

Pour offrir à tous une chance égale - ou presque -, les auteurs suggèrent d'abandonner les listes d'attente et d'opter pour un tirage au sort. Erica Moodie concède toutefois que plusieurs parents risquent de s'opposer à un tel changement pour éviter de perdre leur priorité dans la liste d'attente sur laquelle ils attendent depuis longtemps, sans succès...

Les auteurs admettent que leur étude comporte d'importantes limites. Elle ne tient pas compte, notamment, des enfants qui trouvent une place à d'autres moments qu'au mois de septembre. De plus, ils n'ont pu comparer leurs données théoriques à celles d'une véritable liste d'attente - les CPE consultés ont tous refusé.

Des règles modifiées

Au ministère de la Famille, on assure que toutes les demandes sont traitées de façon égale. «Mais c'est certain qu'on remarque que les groupes des CPE sont reformés en été en fonction de la rentrée scolaire et qu'il soit possible qu'il y ait une incidence sur les enfants dont les parents font une demande plus tard», dit une porte-parole, Nathalie Lévesque.

La date de naissance a longtemps pu défavoriser certains enfants, reconnaît pour sa part une responsable de liste d'attente. Claudette Pitre-Robin, directrice générale du regroupement des CPE de la Montérégie, affirme toutefois que le ministère de la Famille vient de revoir ses règles pour mettre fin à ce problème.

Les règles de financement prévoient que les CPE reçoivent quotidiennement 62$ par poupon de 17 mois et moins. Pour les enfants de plus de 18 mois, c'est 40$. Jusqu'à récemment, le Ministère acceptait d'étendre jusqu'à 24 mois la somme «poupon» quand les CPE n'arrivaient pas à trouver une place dans les groupes d'enfants plus âgés. Or, cette règle défavorisait les enfants faisant leur entrée en garderie au printemps, puisque les CPE craignaient de perdre leur financement.

Mme Pitre-Robin indique toutefois que le Ministère a étendu la période de transition jusqu'à 30 mois pour corriger ce problème. «Ç'a été rectifié pour ne pas pénaliser les enfants en fonction de leur signe du zodiaque...»