Les autorités américaines ont imposé 28 amendes totalisant près de 146 950$ à Montreal, Maine&Atlantic Railway depuis sa création en 2002, révèle un document que La Presse a obtenu du Département américain du transport.

La compagnie a été trouvée coupable d'avoir violé une série de règles fédérales régissant le transport ferroviaire. Les trois pénalités les plus importantes - 15 000$ chacune - lui ont été imposées à cause de la sécurité défaillante de ses rails.

Les données, obtenues en vertu de la Loi américaine pour la liberté de l'information, démontrent que MMA a été mise à l'amende environ trois fois par année entre 2004 et 2012.

Les données militent en faveur d'un examen des règles en matière de sécurité ferroviaire dans le Maine et ailleurs aux États-Unis, estime le leader démocrate de la Chambre des représentants du Maine, Seth Berry. Et elles soulèvent des questions sur les signaux d'alarme qu'auraient dû entendre les autorités canadiennes, selon un expert québécois.

Le grand patron de l'entreprise ferroviaire, l'homme d'affaires Edward Burkhardt, a préféré ne pas commenter ces chiffres hier.

Un nouvel argument pour repenser la sécurité ferroviaire

Les infractions à répétition commises par MMA militent en faveur d'une révision des pratiques de sécurité ferroviaire, estime le leader de la majorité démocrate à la Chambre des représentants du Maine, Seth Berry. «Vingt-huit infractions, c'est un chiffre qui ouvre les yeux, a-t-il déclaré en entrevue téléphonique. C'est plus de deux infractions par année.»

M. Berry a récemment appelé le comité des transports de l'État du Maine à se réunir dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic. Il note que les chemins de fer connaissent une hausse d'achalandage fulgurante dans son État, justement parce qu'on s'en sert pour la livraison de pétrole.

«Clairement, la supervision des autorités fédérales au cours des 10 dernières années a permis de découvrir plusieurs violations des règles de sécurité [par MMA], dit M. Berry. Nous devons prendre ces chiffres très au sérieux, surtout à la lumière de la terrible tragédie de Lac-Mégantic.»

Ken Theriault, l'élu démocrate qui dirige le comité des transports de la législature du Maine, note que les représentants de Washington ont été dépêchés dans son État au cours des dernières semaines pour scruter l'état des chemins de fer.

«On regarde ça et on se demande si ça peut arriver ici cette histoire, affirme M. Theriault dans un français qui révèle ses origines acadiennes. Ça a réveillé les affaires, comme on dirait.»

Des signaux d'alarme pour le Canada

Le dossier de MMA en matière de sécurité ferroviaire aux États-Unis aurait dû envoyer un signal d'alarme au gouvernement canadien, affirme un expert québécois en matière de transport. Denis Allard, du Fonds mondial pour le patrimoine ferroviaire, s'explique mal que Transports Canada ait pu autoriser l'entreprise à faire fonctionner des trains avec des équipages d'une seule personne, en 2012.

«Ce que je trouve aberrant, c'est que Transports Canada, avant de délivrer le permis pour réduire les équipages à une personne afin que la compagnie puisse transporter des hydrocarbures, n'ait pas mené cette recherche», dénonce M. Allard.

À peine deux ans auparavant, dans la seule année 2010, MMA s'était vu coller des amendes totalisant 91 350$ pour diverses infractions aux règles américaines, note M. Allard. La compagnie a notamment dû payer des pénalités de 45 000$ en raison de l'état de son chemin de fer.

Transports Canada a depuis fait savoir qu'il n'autorisera plus les équipages d'une seule personne pour le transport des matières dangereuses.

L'homme d'affaires Edward Burkhardt, le grand patron de MMA, est connu pour faire fructifier des chemins de fer régionaux en réduisant les dépenses de fonctionnement. Selon Denis Allard, ce modèle d'affaires a un lien direct avec les amendes imposées à la compagnie.