Le temps qui passe est précieux pour les commerçants de Lac-Mégantic, qui accumulent les questionnements sur l'avenir de leurs entreprises, inaccessibles depuis la tragédie du 6 juillet.

«Il faut attendre que l'ouvrage se fasse ", résume le barbier Louis Grondin, dont le salon est au coeur de la zone rouge. L'homme de 74 ans, qui s'est installé au centre-ville de Lac-Mégantic en 1973, utilise à présent le salon de son frère Gérard. " C'est certain qu'on perd de la clientèle, parce que les gens ne savent pas qu'on s'est relocalisés ", admet celui qui a donné ses premiers coups de ciseaux en 1955. " Mais il faut retrouver les corps, faire le ménage, savoir s'il y a de l'huile dans le sol. »

S'il avance que la tragédie a nui à ses affaires, il souligne surtout la nostalgie qui commence déjà à faire son oeuvre. " C'est difficile de ne pas travailler dans notre lieu, dit-il. Et si on perd notre centre-ville, ça va être dramatique, tout un désastre. On n'avait pas besoin de ça. »

Claude Charron n'est pas aussi patient. Pour le propriétaire de la pharmacie Jean Coutu du centre-ville, le temps qui passe est inquiétant. " Nos assurances prévoient qu'on puisse payer nos employés à temps plein pendant un an, explique-t-il. Si la relocalisation est pour durer deux ou trois ans, c'est certain qu'on va construire une nouvelle pharmacie ailleurs. »

Pour le moment, l'équipe de Claude Charron offre ses services dans des locaux temporaires, dont la superficie représente 30 % de celle de l'ancienne pharmacie. " Les prescriptions, ça va bien. Mais pour le reste, comme le maquillage ou le service photo, ça ne va pas. Notre chiffre d'affaires diminue, c'est certain. »

À la tête d'une pharmacie Jean Coutu depuis 25 ans, Claude Charron vit actuellement une préretraite beaucoup plus active qu'il ne l'aurait souhaité. Il doit d'ailleurs rencontrer demain matin la mairesse Colette Roy-Laroche afin de discuter de l'état des travaux au centre-ville et d'une éventuelle reconstruction de la pharmacie. " On veut savoir si on va pouvoir y retourner [à l'ancien lieu]. On pense à trois nouveaux sites, mais on aura une meilleure idée après la rencontre ", indique Claude Charron, la tête remplie de questions.

Reprise des recherches

Les recherches reprennent aujourd'hui au centre-ville de Lac-Mégantic dans l'espoir de trouver les cinq dernières victimes de la tragédie ferroviaire. Depuis le 18 juillet, le nombre de personnes retrouvées stagne à 42.

Jusqu'à maintenant, 34 victimes ont été identifiées par le Bureau du coroner. La Sûreté du Québec assure de son côté qu'elle " garde espoir " de retrouver les cinq dépouilles manquantes.

Mais pour les proches des disparus comme pour le reste des résidants, les attentes sont élevées afin que la quatrième semaine de travaux apporte des réponses aux nombreuses questions soulevées par les tristes événements.

«Il est où, le patron de la MMA [Montreal, Maine & Atlantic Railway] ? ", s'interroge Jacques, un sinistré croisé devant la caisse populaire. " On en entendait plein des histoires sur le mauvais état de la voie ferrée avant l'accident, il va falloir obtenir des réponses bientôt ", affirme-t-il.

Derrière cet homme qui habite dans une roulotte depuis l'explosion du 6 juillet, il y a une province entière qui cherche à expliquer un drame qui, à entendre les conversations des Méganticois, n'aurait jamais dû se produire.

«Le chemin de fer était vraiment mal entretenu ", avance Jacques. " Moi je me tassais quand un train arrivait. Je l'appelais le gros tas de rouille ", dit une autre citoyenne, qui préfère ne pas être identifiée.