«Aujourd'hui, notre priorité est d'identifier le plus rapidement les restes des victimes pour permettre aux familles de vivre leur deuil.» Assis à l'intérieur du poste de commandement climatisé garé dans la cour d'une école de Lac-Mégantic, le grand patron de la Sûreté du Québec (SQ), Mario Laprise, accorde une rare entrevue pour faire le point sur l'enquête entourant une des pires tragédies québécoises de tous les temps.

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Discret depuis sa prestation de serment, en octobre 2012, le policier se retrouve malgré lui à la tête d'une des plus grandes scènes de crime de l'histoire. «Nos scènes se limitent habituellement à une maison. Celle-ci s'étend sur deux rues et des dizaines de commerces et résidences», explique le directeur général, précisant que 50% de l'immense scène avait été ratissée jusqu'à présent.

M. Laprise est arrivé jeudi à Lac-Mégantic. Il était en vacances lorsque le centre-ville s'est embrasé dans la nuit de samedi. Il indique avoir toutefois suivi le fil des événements d'heure en heure.

Le patron de la SQ salue d'entrée de jeu le travail de ses troupes sur le terrain - soit quelque 200 policiers et civils -, qu'il décrit comme des gens courageux, fatigués, au coeur d'un drame humain «d'une envergure incommensurable».

«Ils sont capables de faire le travail, mais c'est peut-être plus dur pour notre équipe locale, dans laquelle certains policiers sont directement affectés par les événements.»

Un des agents de Lac-Mégantic était d'ailleurs en train de remplir un constat d'infraction à 200 mètres du centre-ville lorsque les explosions sont survenues. «On pense humblement que des gens ont eu la vie sauve grâce à l'intervention des premiers intervenants», ajoute M. Laprise.

Un nouveau plan d'intervention

Pour gérer cette crise sans précédent, le corps provincial a pour la première fois eu recours à son nouveau plan d'intervention lors de décès multiples, établi il y a quelques mois à peine. «Il prévoit les rôles et responsabilités de chaque ministère, la gestion du périmètre, des communications, de la logistique et permet de nous mobiliser rapidement en plus de maintenir nos activités partout ailleurs dans la province», résume M. Laprise. «On ne souhaitait pas ça, mais ce plan est d'une grande utilité», ajoute-t-il.

Il qualifie de «colossal» le travail d'identification des victimes dans la zone dévastée, lequel est loin d'être terminé. «On s'attend à trouver les deux extrêmes: des corps presque intacts qui ont eu la chance d'être protégés par des débris, mais d'autres qui ont été exposés aux flammes durant de longues heures.»

Enquête criminelle

En plus de faire le nécessaire pour retrouver et identifier les personnes disparues, la SQ mène de front son enquête pour déterminer si la négligence criminelle explique le drame. «C'est un travail de moine qui devrait s'étirer sur plusieurs semaines encore. Le travail va bien, on a un plan de match», assure le directeur général, circonspect.

Sans s'avancer au sujet d'une quelconque responsabilité de la société ferroviaire américaine Montreal, Maine&Atlantic Railway (MMA) dans le drame, le grand patron de la SQ a laissé savoir que personne ne serait au-dessus des lois. Et peu importe leur situation géographique. «À titre d'exemple, on a accusé Arthur Porter [l'ancien patron du Centre universitaire de santé McGill] et on est allés le chercher où il était», note M. Laprise.

Le directeur de la SQ s'est aussi montré peu loquace sur la rencontre de ses enquêteurs avec le propriétaire de MMA, Edward Burkhardt, mercredi. «On a rencontré 70 personnes jusqu'ici. On part du principe que quand on commence une enquête criminelle, on ratisse large et on réduit l'entonnoir», résume Mario Laprise, qui dit jouir de la collaboration d'enquêteurs chevronnés et avoir consulté des procureurs de la Couronne.

Pour l'heure, la SQ prévoit graduellement réduire ses effectifs sur le terrain, mais elle s'engage à s'ajuster au besoin. Quelque 600 évacués d'un quartier considéré comme faisant partie de la «zone jaune» ont par ailleurs pu réintégrer leurs maisons jeudi après-midi.