Ottawa va réexaminer l'utilisation des équipages à une personne dans les trains, a affirmé le ministre des Transports, Denis Lebel, hier, alors que son gouvernement est critiqué pour avoir permis à la Montreal, Maine&Atlantic Railway (MMA) de recourir à cette pratique.

La MMA est l'une des deux seules entreprises exploitant des trains de marchandises à avoir obtenu de Transports Canada l'autorisation de n'affecter qu'une personne à ses trains. Ottawa lui a accordé ce feu vert en mai 2012.

M. Lebel se garde bien de supputer sur le rôle qu'aurait pu jouer un équipage réduit dans la catastrophe de Lac-Mégantic. Mais son ministère va néanmoins repenser la pratique. »Je ne suis pas prêt à vous dire qu'on va faire des changements là-dessus présentement, mais c'est clair qu'on va analyser beaucoup de choses, dont cela", a-t-il affirmé en entrevue à La Presse, hier.

Plus tôt dans la journée, le syndicat qui représente les employés québécois de la MMA a sévèrement critiqué le gouvernement fédéral pour avoir permis à l'entreprise de réduire ses équipages.

« C'est inexplicable, ce qu'ils ont fait là, affirme le porte-parole du syndicat des Métallos, Daniel Roy. Ceux qui ont des comptes à rendre à la population, c'est le gouvernement fédéral. C'est eux qui ont permis ça. »

Selon M. Roy, cette pratique a provoqué un bras de fer entre la MMA et le syndicat lors du dernier renouvellement de la convention collective. Le syndicat a finalement accepté de soumettre la question aux autorités fédérales et il a été surpris qu'Ottawa approuve le projet de l'entreprise.

« Les compagnies de chemin de fer doivent démontrer à Transports Canada qu'elles peuvent être en conformité avec les règles en vigueur, a expliqué le responsable de la sécurité ferroviaire au Ministère, Luc Bourdon. Dans le cas de MMA, c'est une compagnie qui nous a fourni une analyse qui permettait d'évaluer que c'était possible. »

Le train qui s'est immobilisé à Nantes, tard vendredi soir, n'était piloté que par une personne. Les pompiers de cette municipalité ont éteint un incendie qui s'était déclaré dans la locomotive. Le pilote a quitté les lieux après leur intervention.

« S'il y avait eu deux personnes, lorsque le train s'est arrêté, une personne aurait pu aller dormir, l'autre aurait pu rester à bord, dit Daniel Roy. [...] C'est sûr que s'il y avait eu une autre personne à bord qui connaît le système, qui aurait fait un quart de travail, tout cela ne serait pas arrivé. »

Relâchement des règles?

Le gouvernement fédéral a une part de responsabilité dans la tragédie de Lac-Mégantic, selon le syndicat des Métallos. Daniel Roy affirme qu'Ottawa a progressivement relâché les règles encadrant le transport ferroviaire, une tendance qui se serait accentuée sous les conservateurs de Stephen Harper.

Le ministre Lebel rétorque qu'au contraire le secteur ferroviaire n'a jamais été aussi bien surveillé. Le nombre d'accidents a d'ailleurs chuté au cours des dernières années.

Pour illustrer les méthodes de son ministère, M. Lebel cite l'exemple d'une flotte de taxis. Au lieu d'envoyer des inspecteurs vérifier les freins de chaque voiture deux fois par année, dit-il, on demande aux entreprises d'envoyer chaque véhicule dans des garages certifiés. Les dossiers des garages sont vérifiés par le gouvernement. Cette pratique n'empêche pas Transports Canada de mener 20 000 inspections par année dans des entreprises ferroviaires.

« C'est de la responsabilisation, résume-t-il. Ça n'a pas enlevé nos inspections. On continue à les faire, ça ajoute encore plus de sécurité. »

Vers des nouveaux wagons

Ottawa est en voie de resserrer les normes qui encadrent les wagons-citernes.

Le modèle DOT-111, utilisé sur le train qui a déraillé à Lac-Mégantic, a été dépeint comme non sécuritaire dans plusieurs rapports au Canada et aux États-Unis depuis une vingtaine d'années. On reproche à ces wagons d'être trop minces, d'où le fait qu'ils crèvent facilement lors de déraillements.

Le ministre des Transports, Denis Lebel, note que 350 000 des 500 000 wagons-citernes en service en Amérique du Nord sont toujours des modèles DOT-111. »On est en processus de renouvellement de cette flotte-là, ce sont des choses pour lesquelles on travaille, a-t-il indiqué. L'événement va nous amener à réévaluer encore le tout. »

La responsable du transport des matières dangereuses au Ministère, Marie-France Dagenais, affirme que les nouveaux modèles ont déjà été renforcés. »Présentement, les contenants qui sont construits depuis la dernière année, les DOT-111, le sont selon des standards différents parce que l'industrie est au courant qu'il va y avoir une nouvelle forme de réglementation sous peu", a-t-elle affirmé.