Le centre-ville de Lac-Mégantic est tombé, sa mairesse est restée debout. Depuis qu'un train fou a englouti une bonne partie de sa ville, Colette Roy-Laroche impressionne bon nombre de Québécois désabusés qui, à la suite de la commission Charbonneau, des accusations et des scandales de toutes sortes, ne savaient plus les maires capables d'autant de grandeur.

Dans les réseaux sociaux, souvent plus négatifs qu'autre chose, on discute. On discute de la compétence de cette mairesse dont on jurerait qu'elle a fait cela toute sa vie, gérer l'impensable. En entrevue, nombreux sont les sinistrés qui prennent quelques instants pour la remercier.

Colette Roy-Laroche, «c'est une toute petite femme de cinq pieds avec beaucoup de caractère!», résume son mari, Yvan Laroche, un policier de la Sûreté du Québec à la retraite. «À la maison, c'est moi qui mène... vu qu'elle n'est jamais là!»

M. Laroche est le second mari de Mme Roy-Laroche, qui est âgée de 69 ans. Elle avait 25 ans et était mère d'une fillette de 3 ans lorsque son premier mari avait été emporté par un cancer.

Institutrice dans le village de Piopolis, «elle était déjà une femme brillante et avenante», dit M. Laroche.

«Cela fera 43 ans qu'on est mariés», dit-il avec une pointe de fierté dans la voix.

De ce second mariage sont nés deux fils.

Très vite on l'a sollicitée de toutes parts. Le syndicat, le comité de ceci ou de cela, la direction générale de sa commission scolaire.

En 1999, elle a pris sa retraite. Juste un peu.

En 2002, on lui demande de se présenter à la mairie. Elle l'emporte par une courte majorité, puis sans opposition les deux fois suivantes.

«Cette année, on a décidé de nous libérer de nos mandats sociaux, dit son mari. Je ne suis plus président de la commission scolaire et elle termine son mandat le 3 novembre.»

Une vraie de vraie retraite? M. Laroche entend bien ces qu'en-dira-t-on, aux alentours, voulant que sa femme reste en selle. Il en rit un peu. «On va discuter de ça ensemble.»

Les derniers jours ont été éprouvants. «Les nuits sont courtes, d'autant plus courtes que certains journalistes nous appellent à 4h30 du matin! Notre nom est dans le bottin, on n'est pas trop durs à trouver!»

Non, elle n'a pas craqué, et non, elle ne craquera pas, assure son mari. Sa femme, c'est du solide.

«Mme Roy-Laroche est une personne généreuse, entière, empathique et douce, dit Éric Forest, président de l'Union des municipalités du Québec où Mme Roy-Laroche siège à plusieurs comités. «Elle a le profil de la bonne mère de famille capable de prendre tout le monde sous ses ailes», ajoute-t-il.

«Elle a fait preuve de beaucoup de courage et dans une crise comme celle-là, la population a particulièrement besoin de sentir que son maire a les choses bien en main», observe M. Forest, précisant que le Québec compte plus de maires de cette trempe que de maires comme ceux qui ont tristement fait les manchettes au cours de la dernière année.

L'une des grandes qualités de Mme Roy-Laroche, selon son mari? «Elle a le don de bien s'entourer, et ça l'a particulièrement bien servie dans cette crise.»

Daniel Poulin, propriétaire du journal local, relève exactement la même chose.

«Je ne crois pas que le directeur général de la Ville ait dormi tellement plus qu'elle, ces dernières nuits, avance-t-il. Pas plus que le chef des pompiers, Denis Lauzon, qui a coordonné d'une main de maître les équipes de pompiers venus d'un peu partout, y compris des États-Unis.»

Déborah Bélanger, qui siège avec Mme Roy-Laroche au conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec, se montre elle aussi admirative de sa consoeur, mais n'est pas étonnée de la voir se distinguer autant.

«C'est une leader, une femme toujours à sa place, avec laquelle il est agréable de travailler. Je ne peux que la féliciter.»

Si la mairesse est généralement appréciée de ses commettants, ironiquement, il y a quelques années, elle les a sérieusement énervés en mettant en place un système de tri de déchets qui comprenait même le compostage.

«Notre mairesse a l'environnement à coeur, évoque Daniel Poulin, le propriétaire du journal. Les citoyens, eux, chialaient pas mal, ils disaient qu'ils n'avaient aucune envie de vivre avec trois poubelles!»

Ça, c'était avant, dans le temps où la vie était si douce à Lac-Mégantic et où on s'énervait encore pour de telles questions.