La Montreal, Maine&Atlantic Railway était réputée pour «couper les cennes en deux», affirme un expert de l'industrie ferroviaire, qui y voit un lien direct avec l'utilisation d'équipages à une personne.

« Dans le milieu, on sait bien que cette entreprise est réputée pour couper les cennes en deux, affirme Claude Martel, président de l'Institut de recherche sur l'histoire des chemins de fer au Québec. Ce contrat de transport de pétrole était un peu sa dernière chance. L'entreprise était en difficulté financière, elle utilisait du vieux matériel, des locomotives de seconde main. »

À un journaliste de BDN, dans le Maine, l'entreprise, déficitaire, ne se cachait pas en 2011 d'avoir un urgent besoin de réduire ses coûts. Son président, Robert Grindrod, se félicitait alors d'avoir doté ses trains de commandes à distance. Pour une bonne partie du trajet, disait M. Grindrod. »Tout le travail est fait avec un seul gars à bord. [...] Cette réduction de moitié des équipages nous permet de réaliser des économies de 50% en salaires. »

Un mécanicien de locomotive cité dans l'article disait que cette décision de confier des trains à une seule personne l'avait incité à remettre sa démission. Trop dangereux, disait-il.

Chose certaine, l'avancement des technologies a transformé la donne dans le transport ferroviaire, relève Pierre Bourbonnais, qui, jusqu'en mai, était directeur général du Comité sectoriel de main-d'oeuvre dans l'industrie ferroviaire au Québec. »Pendant longtemps, les trains ne comptaient souvent que 70 wagons. Aujourd'hui, les engins sont plus forts, les infrastructures, plus sécuritaires, et il n'est pas rare de voir des trains de 250 wagons. »

Surveillance des trains

Autre question d'importance: était-il normal que le train de la Montreal, Maine&Atlantic soit laissé sans surveillance?

Questionné sur le sujet, le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a simplement affirmé que les règles le permettent. »C'est une pratique qui semble assez répandue dans l'industrie", a-t-il affirmé.

En tout cas, le plus important chemin de fer d'intérêt local présent au Québec, Genesee&Wyoming Canada, assure ne jamais laisser un train sur une voie principale sans surveillance. »Je ne veux pas porter de jugement, mais on ne travaille pas sur les mêmes paramètres, a déclaré le président de Genesee&Wyoming Canada, Mario Brault, dans une entrevue téléphonique avec La Presse. Ce n'est pas le même contexte, ce n'est pas la même géographie. »

Il a indiqué que l'entreprise ne faisait pas le même genre de changement d'équipage que la Montreal, Maine&Atlantic Railway Corporation et qu'elle ne laissait pas un train sur la voie principale sans surveillance.

Genesee&Wyoming Canada exploite notamment un tronçon de 450 km sur la rive nord du Saint-Laurent, entre Laval et Québec, et un tronçon de 150 km qui traverse l'Estrie, entre la frontière américaine et Richmond.

Les trains de Genesee&Wyoming transportent notamment du bois d'oeuvre, du grain, de l'aluminium, du papier, des automobiles, des tours d'éoliennes, du fertilisant, certains produits chimiques et du propane, mais pas de pétrole brut.

M. Brault a affirmé que l'entreprise révisait souvent ses mesures de sécurité et cherchait toujours à s'améliorer. «Je ne pense pas qu'on aura à prendre des mesures spéciales [à la suite de l'accident de Lac-Mégantic] parce que le genre de situation qui s'est produit là-bas ne se produit pas normalement sur nos lignes», a-t-il déclaré.