Alors que les résidants de Lac-Mégantic n'ont que peu d'espoir que leurs proches portés disparus soient retrouvés vivants, la Sûreté du Québec a confirmé que huit nouveaux cadavres ont été retrouvés aux abords du lieu où a déraillé samedi un train rempli de pétrole, qui a enflammé leur village.

Cela porte donc à 13 le nombre de décès confirmés par les autorités, lundi.

Et environ 40 personnes manquent toujours à l'appel, selon la police. Leur nombre a augmenté car plus de gens ont contacté les autorités pour rapporter des disparus.

Mais ce bilan est sûrement en-deçà de la réalité, disent certains résidants.

Car ceux qui sont rapportés disparus sont vraisemblablement les clients du Musi-Café, ceux qui y faisaient la fête, avec leurs amis, croit Mélanie St-Cyr, qui habite la première maison à l'extérieur du périmètre évacué.

Elle fait partie de ceux qui craignent que le compte réel ne soit encore plus lourd.

«Il y a beaucoup de gens seuls, qui vivent dans les logements autour. Des gens âgés. Qui n'ont personne pour voir qu'ils sont disparus», s'inquiète-t-elle.

Les lieux évacués sont déclarés «scène de crime», a déclaré le sergent Benoît Richard, de la Sûreté du Québec.

L'enquête sur la collision et le déraillement du train progresse, a-t-il indiqué en fin d'après-midi, lundi. Une centaine de policiers, de partout au Québec, ont été déployés sur les lieux. Sans compter 12 techniciens spécialisés en scène de crime.

«Mais il reste encore beaucoup à faire», a-t-il averti.

D'ailleurs, le danger ne semblait pas entièrement écarté lundi, alors que les pompiers arrosaient toujours des wagons du train.

«À titre préventif», a indiqué la mairesse Colette Roy-Laroche.

Pour l'enquête, aucune hypothèse n'est écartée: que quelqu'un ait abîmé le train, une défaillance mécanique, un acte criminel, ou une autre cause.

Le sergent a révélé que ses agents et les autres experts sur le terrain ont maintenant accès à l'ensemble des lieux du drame, dont les abords immédiats de l'explosion, désignés «zone rouge».

Il se refuse toutefois à donner le sexe des personnes retrouvées et à quel endroit leurs corps ont été découverts.

Les policiers indiquent que plusieurs témoins ont été rencontrés au cours des dernières heures afin de déterminer les circonstances de la catastrophe. Un encadrement particulier est aussi offert aux familles des personnes disparues.

Trois experts du Service de la pathologie de Montréal participent entre autres aux recherches, a indiqué la porte-parole du Bureau du coroner, Geneviève Guilbault.

Un travail d'expertise d'identification des corps sera mené au cours des prochaines heures sur les cinq corps retrouvés en fin de semaine. Des fiches dentaires seront entre autres utilisées pour tenter d'identifier les corps, en plus des tests d'ADN. Une anthropologue judiciaire s'ajoutera à l'équipe, notamment pour analyser les ossements, si cela s'avère nécessaire.

Il est possible que certaines victimes ne puissent jamais être identifiées.

«On ne peut rien exclure», a dit Mme Guilbault. «Il s'agit d'un événement exceptionnel, d'une gravité extrême».

La mairesse refuse de parler de la possibilité d'une action en justice contre la compagnie ferroviaire dont le train est à l'origine de l'accident. Mal à l'aise, elle dit avoir rencontré les dirigeants de l'entreprise mais ne veut pas discuter des détails.

Réintégration de domiciles

Les évacués du centre-ville de Mégantic - des secteurs Cousineau et Fatima - ont été avisés qu'un plan de réintégration de leurs domiciles sera partagé mardi avec eux.

La sécurité civile a présenté l'annonce comme une «bonne nouvelle», mais les résidants ne savent par contre pas quand ils pourront effectivement retourner chez eux.

La mesure devrait viser environ 1500 personnes. Une réintégration partielle avait déjà eu lieu la veille.

Par ailleurs, d'autres politiciens sont venus à Lac Mégantic lundi.

Le ministre des Transports, Denis Lebel, accompagné du ministre de l'Industrie, Christian Paradis, avait fait le détour par le petit village de l'Estrie.

«Je comprends très bien que les derniers jours ont pu susciter un certain nombre de questionnements quant à savoir si nous faisons les efforts nécessaires pour assurer la sécurité de nos chemins de fer», a déclaré le ministre, qui est responsable des chemins de fer.

Il a souligné que le nombre d'accidents était en baisse au pays. Malgré cela, il promet d'agir.

«Je n'hésiterais pas à prendre des mesures immédiates si des lacunes sont décelées sur le plan de la sécurité».

Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, est venu aussi rencontrer les habitants de Lac Mégatic.

«Une tragédie épouvantable. Je suis époustouflé de voir la destruction terrible, mais aussi de voir la force et le courage des gens», a-t-il commenté.

Lundi, il ne voulait pas blâmer qui que ce soit. Trop tôt, juge-t-il, et aussi, le temps pour les résidants de se rassembler et non de porter des accusations.

Pourtant, ils étaient nombreux à dénoncer la catastrophe et à chercher des coupables lundi.

Dans le village, des résidants tentent encore de s'approcher des lieux calcinés et de voir ce qui s'y passe. Ils connaissent tous au moins une personne portée disparue.

La présence policière dans le village, le ruban de sécurité qui ceinture maints endroits et l'odeur chimique de brûlé rappellent le drame.

Même pour ceux qui n'y habitent pas.

«J'en ai vu des affaires dans ma vie, mais ça c'est horrible», a déclaré un agent de la SQ de Québec dépêché sur les lieux. «C'est pire que la guerre».