Dans leur malheur, les habitants de Lac-Mégantic ne peuvent même plus prier dans leur église: l'institution religieuse se trouve au coeur du brasier causé par l'explosion d'un convoi de wagons-citernes et il a fallu se rabattre dimanche sur les chapelles des villages voisins.

Le clocher de cette petite ville québécoise faisait belle figure depuis peu: la toiture avait été restaurée de fond en comble. Un investissement de 1,2 million de dollars qui faisait la fierté de la communauté catholique de cette région du Québec encore très pieuse.

Aujourd'hui, fidèles et membres du clergé craignent de la retrouver dévastée: elle se trouvait dans le virage ou le train transportant du pétrole brut a déraillé dans la nuit de vendredi à samedi. Tout le centre-ville de Lac-Mégantic a été rasé, mais le curé Steve Lemay a pu s'en sortir, raconte à l'AFP Guy Boulanger, vicaire général et chancelier du diocèse de Sherbrooke.

Face à l'ampleur du drame, M. Boulanger a dû interrompre ses vacances et enfiler à nouveau la robe de prêtre. «Les gens sont sous le choc. Ils ont de la misère à comprendre l'ampleur du drame», dit-il alors qu'il se prépare à célébrer la messe dans la petite église de Sainte-Cécile-de-Whitton, hameau situé à une dizaine de kilomètres de la ville sinistrée.

En milieu de journée dimanche, la police québécoise a fourni un nouveau bilan provisoire de la tragédie: cinq morts et au moins quarante disparus.

Devant l'autel, dans sa chasuble verte, M. Boulanger entame la cérémonie en soulignant à la salle comble qu'il s'agit d'«une messe particulière, tenue pour tous les gens qui sont manquants».

«Des funérailles vont venir»

Venue de Lac-Mégantic, Ghislaine Turgeon, explique sa présence, car «notre église ne peut plus recevoir de messe...» Également, elle tenait à «remercier le Bon Dieu de nous avoir épargnés». Depuis l'explosion, sa maison accueille trois membres de sa famille qui ont dû fuir la zone sinistrée, comme 2000 autres personnes.

Le regard dans le vague, Jean-Guy Nadeau raconte que ses trois soeurs et son beau-frère se trouvaient dans le bar Musi-Café, qui a été anéanti alors que plusieurs clients s'y trouvaient. «On peut dire ce qu'on veut, mais fumer les a sauvés», raconte-t-il: ses proches avaient quitté le bar pour griller une cigarette à l'extérieur. «Ils ont vu une petite fille en flammes, elle criait: "Sauvez-moi, sauvez-moi!"», décrit-il. «Ils n'ont pas pu la sauver.»

Inconditionnel des messes dominicales, le garagiste du coin, Guy Vallerand, raconte qu'il avait toujours trouvé «beaux» les chemins de fer traversant Lac-Mégantic. «Ça faisait partie du patrimoine... je n'aurais jamais cru que ça pourrait être dangereux.»

Pour le prêtre Guy Boulanger, l'urgence actuellement n'est même pas de rouvrir l'église meurtrie. «Des funérailles vont venir, ça va être dur».