Depuis 2011, on retrouve plus de pétrole sur les voies ferrées canadiennes, sans toutefois que la réglementation soit resserrée.

En Amérique du Nord, il y a 20 fois plus de pétrole brut sur les voies ferrées aujourd'hui qu'il y a à peine cinq ans, selon l'Association des chemins de fer des États-Unis. Au Canada, le volume a quadruplé depuis 2011, selon Statistique Canada. Et ce boum va se poursuivre avec l'expansion de deux gisements, celui du pétrole de schiste dans le Dakota du Nord et des sables bitumineux en Alberta.

Le pétrole que transportait le train qui a dévasté Lac-Mégantic venait d'ailleurs du Dakota du Nord.

On ignore sa destination, mais on sait, par exemple, que la raffinerie Irving à Saint John, au Nouveau-Brunswick, importe quotidiennement 90 000 barils de l'Alberta et du Dakota du Nord, selon ce que rapportait l'agence Bloomberg en décembre dernier.

Irving a construit l'an dernier de nouvelles installations à Saint John afin de pouvoir décharger plus de pétrole par le rail.

Tout comme plusieurs autres entreprises ferroviaires, le réseau de la Montreal, Maine and Atlantic (MMA) profite grandement de ce boum de transport. Il se raccorde aux réseaux du CP et du CN en Montérégie, traverse toute l'Estrie jusque dans le Maine, où les convois peuvent poursuivre leur route vers Saint John ou vers le sud.

Dans le Maine, le volume de pétrole transporté par le rail a explosé en 2012, passant de 14 300 barils en janvier à 1,1 million de barils en décembre.

Des affaires d'or

Avec les retards dans les projets de pipelines, les compagnies pétrolières prennent les grands moyens pour livrer leur produit par le rail. Entre autres, l'entreprise Burlington Northern Sante Fe (BNSF), propriété du milliardaire Warren Buffett, fait des affaires d'or avec le transport de l'or noir ces dernières années. Sa capacité atteint maintenant 1 million de barils par jour, plus que le projet de pipeline Keystone XL.

Le mois dernier, Cenovus, une compagnie exploitant les sables bitumineux, a annoncé l'achat de 800 wagons-citernes qui lui permettront de transporter 30 000 barils par jour.

Le Canadien National affirmait récemment au Globe & Mail transporter 110 000 barils par jour et que le pétrole brut représenterait bientôt 7 ou 8% de son volume de fret total. De son côté, le Canadien Pacifique indiquait en février que le volume de pétrole transporté sur son réseau était 19 fois plus élevé qu'en 2010.

Il n'est donc pas surprenant que les accidents ferroviaires provoquant des déversements de pétrole soient de plus en plus fréquents. Il y a eu 112 déversements aux États-Unis entre 2010 et 2012, contre seulement 10 dans les trois années précédentes.

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Une région développée grâce au train

Alors que le Québec s'acheminait tranquillement vers sa période d'industrialisation, la région de Lac-Mégantic accueillait déjà ses premiers trains de marchandises. Un événement déclencheur pour le développement de cette région.

La position géographique de Lac-Mégantic lui confère une place importante dans le développement du réseau ferroviaire au Québec. En effet, il semble que les premiers rails en direction de cette ville auraient été posés vers 1875 par la compagnie de chemin de fer internationale de Saint-François et Mégantic.

À l'époque, cette compagnie voulait créer une liaison entre Mégantic et le Maine, aux États-Unis. Quelques années plus tard, en 1887, le Canadien Pacifique (CP) rachète la ligne et crée, en plus de la première ligne, une liaison ferroviaire jusqu'au Nouveau-Brunswick.

Une première gare en bois

Le CP va également, en 1885, construire une première gare en bois au coeur de ce qui deviendra le village de Lac-Mégantic. Par la suite, le réseau connaîtra une véritable expansion partout dans la Belle Province.  

«L'entretien de la voie ferrée, les ateliers de réparation de locomotives et de wagons ainsi que les divers services ferroviaires créent beaucoup d'emplois jusque vers 1930», lit-on sur le site internet de la Ville de Lac-Mégantic.

À la faveur de ce succès, ce n'est qu'en 1926 et 1927 que la première gare sera restaurée afin de mieux répondre aux besoins.

La même gare subira, en 2010, une véritable cure de rajeunissement, en plus de devenir un lieu de rassemblement culturel et un attrait touristique. Ces travaux ont nécessité un investissement de 1 550 000$.

Fait intéressant, le premier ministre de Grande-Bretagne, Winston Churchill, est descendu du train à Lac-Mégantic, lors de son passage au Canada en 1943.

- Caroline d'Astous, La Presse