Les résidants de Lac-Mégantic étaient toujours médusés et anéantis, hier soir, devant la catastrophe qui avait rayé de la carte une grande partie leur ville une vingtaine d'heures plus tôt.

Toute la journée, des membres de la collectivité se sont relayés à la polyvalente Montignac, transformée en refuge de la Croix-Rouge. À l'intérieur, des intervenants psychosociaux habillés de blanc bourdonnaient à travers les sinistrés et les bénévoles distribuant des collations.

Pour certains des sinistrés, le choc est survenu hier, lors des explosions successives des wagons remplies de pétrole. La mine défaite, ils se déplaçaient à la polyvalente pour profiter des services offerts par la Croix-Rouge. Ils peuvent y manger et y dormir pour la nuit.

«J'étais sur le pont en face du Esso. Je regardais ça sans bouger, a affirmé Luc Dion, un enseignant de Lac-Mégantic. Apocalypse totale. C'était l'enfer.»

Pour d'autres, souvent en pleurs, le choc avait été plus graduel. Il s'était installé progressivement, à mesure que les heures passaient sans qu'ils reçoivent de nouvelles d'un ami ou d'un proche.

«Cinq de mes amis proches sont morts. J'ai demandé, et un pompier me l'a dit. Ils étaient tous au restaurant, il y avait plein de monde, et sur les cinq, il y avait trois personnes de la même famille», s'est désolé Claude Charron, propriétaire de la pharmacie locale. Toutes les victimes assistaient à une fête d'anniversaire dans le même restaurant, sur la rue principale.«Le ciel était rouge, j'avais l'impression qu'on était en Irak. [...] Un de mes amis m'a raconté que quand il a entendu la première explosion, il est sorti et a vu que le train était en feu. Alors il a pris son petit garçon, l'a lancé dans la voiture, et il a juste eu le temps de partir. Il voyait le feu qui le suivait tout près derrière la voiture», a-t-il rapporté.

Regarder sa ville brûler

Le parc de la Croix, situé sur une colline surplombant la petite ville, a accueilli son lot de citoyens venus constater de leurs propres yeux la désolation semée par les flammes. Plusieurs étaient armés de jumelles. «Le feu s'est rendu jusque chez Mme Gagnon», assurait un homme à son épouse, désignant du doigt le centre-ville dévasté.

Maxime Fredette et Marc-Étienne Fillion, deux jeunes hommes de Lac-Mégantic, étaient parmi les résidants réunis sur la colline. Ils ont raconté à La Presse avoir vu le train à l'origine de l'accident passer à toute allure au centre-ville de Lac-Mégantic, alors qu'ils roulaient sur leurs scooters. Normalement, les convois ferroviaires ralentissent en passant dans la ville.

Les deux jeunes hommes ont fait demi-tour avant de voir une importante explosion. Ils ont tenté d'appeler la police avant de s'effondrer, sous l'intensité du choc qu'ils venaient de vivre.