Après une mise en veilleuse de près de trois ans correspondant aux travaux de la commission Charbonneau, le comité de concertation du ministère des Transports (MTQ) et des firmes de génie-conseil reprend ses activités, a appris La Presse.

Une dizaine de représentants de firmes d'ingénierie concurrentes s'assiéront de nouveau côte à côte à compter du 15 février prochain pour discuter avec le MTQ d'infrastructures et de normes contractuelles, par exemple. Le MTQ déléguera autant de gestionnaires.

«Il n'y a pas eu de réunion depuis juin 2013 parce qu'on attendait les conclusions de la commission Charbonneau», a expliqué la porte-parole du Ministère (MTQ), Sarah Bensadoun.

Cette dernière a indiqué qu'une nouvelle formule de table de discussions sera présentée lors de cette réunion. L'objectif premier d'en faire un lieu d'échange d'information demeure toutefois inchangé. «Le comité traitera des enjeux émergents et des défis associés au domaine de l'ingénierie. Il sera aussi question de faire ressortir de nouvelles idées en matière de performance des ouvrages et en termes de gestion contractuelle», a précisé Mme Bensadoun.

L'influence du génie-conseil

Fort critiqué pour avoir projeté l'image d'une zone d'influence pour les grandes firmes de génie comme SNC-Lavalin, Roche (aujourd'hui Norda Stelo), Dessau (aujourd'hui Stantec) ou Cima+, le comité de concertation souhaitait à l'origine, en mars 2004, «ouvrir le dialogue sur la relation d'affaires» du gouvernement avec les firmes privées. Ces dernières souhaitaient ainsi obtenir davantage de contrats notamment de planification, d'organisation et de gestion, comme il est inscrit dans les comptes rendus du comité de concertation.

Le PDG de l'Association des firmes de génie-conseil du Québec (anciennement l'Association des ingénieurs-conseils du Québec), André Rainville, se réjouit que le comité reprenne vie après une suspension qu'il a qualifiée de «période de prudence». «Le Ministère est en mode solution pour ce qui est de ses pratiques. Tout le monde attendait de voir les recommandations de la Commission pour être sûr d'agir dans le bon sens», a-t-il souligné.

Selon lui, les changements que souhaite apporter le MTQ au comité annoncent une «nouvelle dynamique intéressante». «C'est une question de collaboration et non pas d'influence. C'est ainsi qu'on peut trouver les meilleures solutions pour le Ministère. Il ne s'agit pas que l'un se substitue à l'autre.»

Collusion et corruption

La Presse a épluché les comptes rendus du comité de concertation entre 2010 et 2013, obtenus en vertu de la loi d'accès à l'information. Cette lecture démontre entre autres choses que le comité avait des préoccupations liées à l'actualité.

Ainsi, lors de la réunion d'avril 2010, il est question du rapport du vérificateur général publié quelques mois plus tôt et qui blâmait le MTQ pour sa gestion des contrats. La sous-ministre a présenté les mesures prises par le MTQ pour redresser la situation.

Quelques mois plus tard, les membres du comité discutent d'une attestation d'absence de collusion que les fournisseurs doivent dorénavant remplir. Les firmes de génie se disent alors préoccupées par ce formulaire dans lequel une firme pourrait déclarer avoir des discussions avec une concurrente sans que celle-ci le révèle. On note également que l'établissement d'un consortium nécessite des échanges entre firmes.

À l'automne 2011, alors que le rapport Duchesneau s'inquiète de la mainmise des firmes de génie sur le MTQ, ses orientations et sa planification stratégique, et que la commission Charbonneau est créée, le comité de concertation se réunit et discute longuement de renforcement de lutte contre la collusion et la corruption. On souligne notamment qu'un système de plaintes est en développement à l'Unité permanente anticorruption (UPAC), qui a été créée quelques mois auparavant.

La dernière rencontre du comité se déroule en juin 2013. À cette époque, un nouveau gouvernement est en place depuis moins d'un an; c'est ce qui explique que le MTQ informe l'industrie du génie que «les dossiers d'affaires devront être réapprouvés», et ce, même si le projet nécessite deux ans de développement.

Dans les mois suivants, dans la foulée des révélations de la commission Charbonneau sur la collusion des firmes de génie, le gouvernement du Parti québécois annonce la mise en place d'un plan d'action pour faire le grand ménage au MTQ.